Publié le 02 Juillet 2012
Traversée Louisiades-Indonésie via le détroit de Torres

La première nuit de navigation est superbe et ça fait du bien ! Nous croisons beaucoup de cargos, tous sur une même ligne Chine/Japon-Australie. C'est plus de cargos en une nuit que tout ce que nous avons vu dans le Pacifique en un an. Une fois cette route maritime passée, nous n'en croisons plus pendant les 5 jours qui nous mènent au détroit de Torres.

Lors des discussions que nous avons eues avec d'autres bateaux, le détroit de Torres est un passage redouté. À cet endroit, seulement une soixantaine de milles séparent la Papouasie Nouvelle-Guinée de l'Australie. Nous sommes au nord de la grande barrière de corail, les fonds sont peu profonds (moins de 20m) et les récifs nombreux. Dans ce goulet, tous les navires doivent cohabiter et c'est ce qui fait peur. En regardant la carte pour la première fois, le passage ne paraît pas large du tout !
C'est, entre autres, pour le détroit de Torres que nous avons acquis une VHF AIS. Quand un cargo qui émet un signal AIS approche, on a son nom, sa vitesse, son cap, sa distance par rapport à nous, sa cargaison... On la prend comme un complément de notre MerVeille, qui nous indique seulement la présence des bateaux qui émettent un signal radar.


Le détroit de Torres. Vu comme ça, c'est un dédale de récifs. En bleu, notre route. La route des cargos suit les phares entourés de jaune.

Nous arrivons aux premiers récifs du détroit de Torres après 5 jours de mer et le MerVeille se met à sonner, il détecte un radar. L'essai de la VHF sera pour plus tard, ce bateau de pêche n'émet aucun signal AIS... Nous sommes prêts à passer 36h à l'affût, guettant les mouvements des cargos et notre position par rapport aux récifs. Puis, finalement, en zoomant sur la carte, Gaëtan nous a trouvé un itinéraire bis, genre route de campagne, un peu plus direct et surtout passant très peu par le chenal principal.
Le temps est idéal, nous avons 10-15 noeuds de vent et sommes au près bon plein. La nuit, la lune nous éclaire bien, le ciel est très clair.

Nous réalisons que le passage du fameux détroit ne va pas être si compliqué que ça, au contraire ! À peine entrés nous sommes survolés par un avion de la douane australienne qui prend contact avec nous, nous demande quelques données sur le bateau et notre itinéraire avant de nous confirmer qu'on peut mouiller sur les îlots mais qu'il est interdit de descendre à terre ou d'avoir des contacts avec d'autres bateaux. Alors, nous ciblons l'îlot le plus près de notre route et nous préparons déjà pour une nuit tranquille au mouillage au milieu du détroit. Nous sommes super détendus, tous contents de nous. Le soleil descend sur l'horizon et des dauphins nous rendent visite. Depuis aujourd'hui nous avons un bimini fixe qui nous abrite du soleil et en plus nous allons prendre l'apéro au mouillage ce soir !! En un mot c'est la fête !

Le bimini !Toile cousue main. Je suis autant soulagée pour mes petits doigts que contente du résultat !
Belle soirée que nous espérons passer au mouillage en plein détroit de Torres...Les dauphins viennent nous voir, c'est la fête à bord. Sauf que le soleil est trop bas, il n'y aura pas de nuit au mouillage.

Sauf que le soleil est trop bas et que notre mouillage s'avère bourré d'énormes patates de corail qui ont certes l'air magnifiques mais c'est un fond peu adapté pour poser l'ancre. Du coup nous abandonnons cette idée de mouillage et reprenons la route. Nous nous faisons une raison en se disant que les conditions météo peuvent changer et qu'il serait dommage de perdre du temps au mouillage et laisser passer ce beau temps.

Le lendemain, le chemin de traverse que nous prenons nous fait longer plusieurs îles et nous naviguons par 12m de fond sur une mer turquoise. À l'approche de la sortie du détroit nous croisons plusieurs petits bateaux de pêche amateur. Nous sommes à seulement quelques milles des Christmas Island et des côtes australiennes, ces gens sont sortis pour la journée et rentrent chez eux ce soir.
Le courant nous éjecte dans la mer d'Arafura avant la nuit, nous sommes passés, au revoir le Pacifique !! Au fait, combien de cargos réellement vus ?? Mmmmh... deux !

Îles le long de notre « route de campagne » dans le détroit de Torres.C'est peu commun de naviguer dans des eaux pareilles après 6 jours de mer et à plus de 10 jours de notre destination.
Belle soirée que nous espérons passer au mouillage en plein détroit de Torres...Les îles Christmas. Le début de la côte australienne. Plus loin, le continent démarre avec le cap York.

Le vent est faible et nous sommes sous spi pendant 2 jours. Nous croisons plusieurs bateaux de pêche et les dauphins nous rendent visite plusieurs fois. L'avion des douanes australiennes nous survole 3 jours de suite, le pays est bien gardé !
Puis le vent revient avec une grosse houle avant que nous nous mettions à l'abri des îles indonésiennes en passant au nord du Timor. À partir de là, les 300 bons milles qui nous séparent de Maumere sur l'île de Flores sont fait sous le vent des îles très hautes ce qui nous créé des variations de vent importantes. Sous le vent des reliefs, pas de vent tandis que dans l'axe des passages entre les îles ça peut monter à 20 nœuds sans problème, même à 20 milles de la côte. Notre progression est encore ralentie par le courant contraire (ou aléatoirement contraire) et nous nous aidons du moteur pour ne pas reculer parfois. Nous commençons à nous dire que cet itinéraire au nord des îles et donc sous le vent de la côte ne va pas être des plus commodes jusqu 'à Bali...

Grosse houle. Fini la balade tranquille.Mais ?! Pourquoi cette daurade est-elle tordue ??

En partant des Louisiades nous savions que nos stocks de sucre, lait en poudre et oeufs étaient limités. Nous avons donc développé des recettes de gâteaux sans oeufs, ni sucre en poudre, ni beurre, ni lait. Bon, notre apport de sucre ne risquait pas d'être réduit à néant, nous avons plus de 7 litres de sirop de citron (c'est là qu'est parti tout notre sucre) et pas mal de confiture de coco. Pour remplacer les oeufs, nous avons dégoté de la purée de riz que Gaëtan avait achetée à Panama. À l'époque il voulait absolument de la purée en flocon et n'importe quoi semblait pouvoir faire l'affaire ! Finalement cet achat n'a pas été inutile, le côté visqueux de la purée de riz a remplacé nos oeufs et avec parfois quelques tolérances au niveau de la texture nous avons quand même réussi à nous faire plaisir avec des gâteaux, des crêpes, des biscuits apéro etc... On se dit que de la farine de riz pourrait peut-être faire la même chose.

Loupé !! Mauvais dosage de purée de riz manifestement pour cette crêpe !Les petits gâteaux au chocolat sont carrément mieux réussis. Miam.

Depuis un moment nous avons arrêté de faire des stocks de conserves gigantesques. Du coup, cette traversée de près de 20 jours a été l'occasion de finir toutes nos conserves. Je nous revois à Dakar, entre autres, sur le quai à embarquer 3 cartons bourrés de boîtes. La dernière datant de cette époque a été finie lors de cette navigation ! Nous arrivons à Maumere les cales archi vides, il est temps de refaire un peu de stock mais de façon raisonnable cette fois.
Même nos bocaux artisanaux sont vides et ils ont failli être remplis d'un coup avec la prise d'un espadon d'au moins 100kg. Contrairement à l'espadon voilier de la traversée du Pacifique, celui-là n'est pas voilier et la quantité de viande est beaucoup plus importante. Finalement Gaëtan coupe la ligne à contre coeur, mais la bête est vraiment trop grosse, d'une part pour la hisser à bord et parce qu'il y aurait eu vraiment trop de perte malgré les bocaux. Et puis, de l'espadon à tous les repas pendant plusieurs mois nous semble un peu monotone.

Donc, le 23 juin en milieu d'après-midi après avoir passé la moitié de la journée à tirer des bords dans du vent fort pour atteindre la ville au fond de la baie, nous arrivons enfin. Nous ne savons pas trop où nous mettre, le mouillage ne semble pas commode et nous avons très peu d'infos sur les lieux. Nous avons tenté plusieurs quais sans que personne ne nous dise quoi que ce soit ou ne fasse un geste en nous voyant approcher. C'est assez déroutant, comme s'ils ne voyaient jamais de voiliers alors que ce n'est pas le cas. Nous allons faire un tour à couple d'un bateau de sauvetage bourré de jeunes qui nous appellent, nous font plein de blagues mais qui n'ont pas trop idée de ce que nous cherchons. Au passage on goûte un alcool local pas mauvais du tout mais nous ne savons toujours pas où aller. Finalement, parmi tout ce monde ils arrivent à trouver une fille qui parle anglais (il va falloir se mettre à l'indonésien) et qui nous indique un quai. Très étonnant ce bateau de sauvetage où 2h plus tard c'est quasiment « disco boîte » à bord avant qu'il largue les amarres et parte en mission. On est samedi, aucun officiel ne répond à la VHF et un monsieur qui aide souvent les bateaux et qui parle anglais nous confirme que les formalités ne pourront se faire que lundi et qu'en attendant nous n'avons pas le droit de descendre à terre. Tans pis, nous restons à bord à tourner quelques heures de plus aux pâtes, au riz ou à la purée seuls alors qu'à l'heure des repas nous parviennent des odeurs de cuisine qui nous font saliver (nous avons beaucoup d'attente en matière de nourriture ici !!).

Le volcan Komba, la veille de l'arrivée. Ça gronde, ça toussote et ça crachote. Il y en a d'autres qui semblent aussi actifs à terre.Le quai du marché au poisson de Maumere. Nous avons bien fait de ne pas nous y mettre.

30 personnes au moins nous regardent nous amarrer puis au moins la moitié reste à nous regarder une heure plus, épient tous nos gestes, détaillent le bateau. La nuit est tombée et il en reste encore, postés à des angles où ils peuvent voir l'intérieur de la cabine éclairé. C'est vraiment gênant et nous tendons toutes les serviettes que nous pouvons pour cacher la vue.
Dès le réveil, nous tournons l'avant du bateau face au quai !!! Les gens passent, s'arrêtent sans mauvaises pensées, nous sommes juste franchement déstabilisés par leur façon de rester un moment (parfois une heure au moins) assis sur le quai devant le bateau à nous fixer du regard. On est très contents d'avoir pris notre douche avant d'arriver et pour les suivantes il va falloir les faire de nuit.

Sans être descendus à terre nous percevons le net changement d'ambiance par rapport au Pacifique ! Voici en vrac les quelques impressions glanées depuis le bateau. La forme des bateaux de pêche est différente, les scooters et mobylettes bourdonnent de partout et le klaxon semble être un moyen de communication comme un autre, les bus ont une super déco. Parfois, nous recevons des effluves d'épices ou de cuisine, ce qui est prometteur après l'odeur fleurie que j'ai perçue la dernière nuit en mer. En moins agréable, rapidement, nous avons une part de l'explication concernant la quantité de déchets que nous avons vu flotter en route : la mer est une poubelle comme une autre. Sans scrupules, certains viennent balancer leurs sacs poubelle du quai. Ça ne les gêne pas, l'heure qui suit, de venir se baigner ou remplir des bidons d'eau de mer (on ne sait pas pour quoi faire). Enfin, nous avons hâte que les formalités soient faites pour savoir la quantité de pots de vins que nous allons verser... Les histoires en la matière sont légion et nous espérons tomber sur des officiels qui les feront mentir.

Tout cela n'est qu'un début et nous avons hâte d'en voir plus !!!

 

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